Elise Fouin

Dans son cabinet curieux, Elise Fouin est toujours prête à faire des démonstrations concrètes. Comment a-t-elle pétri toutes ses sources d'inspiration pour cristalliser un travail si singulier ? Elle vient de la région Franche comté où elle a grandi dans un ancien monastère. Elle pratique les arts plastiques, le piano, la peinture et la danse. La voici en équilibre avec les bienfaits de la terre et le désir de culture, entre le faire et l'esprit. Elle se forme à l’Ecole Boulle à Paris d'abord à l'orfèvrerie, puis elle passe de la fabrication à la conception, en se tournant vers le design de mobilier. Une formation double, comme une balance, pour trouver son point d’équilibre. Pour son diplôme en 2003, elle fait encore un pas de côté, s'aventure avec succès vers la mise en œuvre du papier, en designer qui se donne la liberté de l'artiste. Car c'est avec ses mains d'abord que cette designer apprivoise la matière. Friande d'imprévus, à l'écoute du comportement des matériaux, elle parie sur une mise en forme inattendue. Les usines sont un de ses terrains de jeux favoris, où elle traque chutes et rebuts. Le papier, le bois, le métal, le verre, le tissu, et différents plastiques sont ses repentirs. Il y a des préférences aussi, pour les matières délaissées, inexploitées, mais elles ne portent aucunes traces de réemploi démonstratif. Elles sont transfigurées, grâce à des typologies reformulées, combinées à de nouvelle technologie. Depuis, elle a construit son métier dans différentes directions. Cette chercheuse, toujours en veille pour nourrir son laboratoire personnel, expérimente tout. Aguerrie à créer à différentes échelles, elle collabore avec des marques, des éditeurs, et des institutions. La designer a plus d'un tour d’objets et de scénographies dans ses cartons. Forestier est l'entreprise où la designer se donne des ailes, fait voltiger des lampes ! En fouineuse têtue, elle y a déniché des carcasses d’abat-jour, qui, mises en abyme, se transforment en suspensions Papillons, aux différents galbes. Elles dansent avec la trompeuse Circus, que l'on croirait en papier alors qu’elle est réalisée de chutes d'abat-jour en Priplak. Sa production personnelle compte la Gigotte, inspirée des bottillons en papier des bouchers ou la Lucinda un cocon en polystyrène recyclé. C'est tout un monde de l'éclairage qui s’illumine là. Elise Fouin sait marier lumière immatérielle, un autre de ses matériaux de prédilection, à des éléments solides aériens. En 2017, elle participait aussi au programme Kyoto Contemporary et a réalisé la suspension Saika qui était exposée en janvier 2018 sur M&O. Issu de la collaboration avec l’artisan Yoshishige Tanaka, maître artisan à Kyoto, le luminaire Saïka est une douce alliance entre les techniques du Hyogu et du Kakejiku. Les tuiles de papiers washi cernées de tissu en dégradé et enfilées sur un bâton de hêtre, respectent les codes des traditionnelles estampes japonaises. Cependant ici les subtils plissages deviennent des paysages à part entière propices à la contemplation comme pouvaient l'être ces tentures que l'on suspendait historiquement dans l'habitat. Ce projet est finalement presque 15 ans après sa formation le point de cristallisation de son parcours unique qui oscille entre les champs de la matière, des savoirs faire et du design. Dans tous les projets qu'Elise Fouin balise, il y a du jeu, de la légèreté et de l’espièglerie, avec toute la tenue inhérente au design. En franche conteuse, elle déploie un marabout de ficelles poétiques où l’art et la technique se rencontrent.